L'Observateur Moderne

Etats-Unis: Assiste-t-on au déclin de l’Amérique ?

October 14, 2024 | by Lysandre Chaabi

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Au sortir de la guerre froide, les États-Unis sont sans contestation possible la première puissance mondiale. C’est au début du vingtième siècle que l’Amérique voit son hégémonie battre de l’aile. Aimée autant qu’elle est détestée, l’Amérique peut-elle réellement perdre son trône sur l’échiquier mondial ?

Comment expliquer l’affaiblissement du pays ?

L’affaiblissement du pays commence à une date clé : le 11 septembre 2001. Les États-Unis sont la cible des attentats les plus meurtriers jamais perpétrés. Le World Trade Center, symbole de la puissance américaine, voit les tours jumelles s’effondrer après la collision de deux avions, tandis que le Pentagone, symbole de la puissance militaire du pays, est également atteint par un avion kamikaze. Un autre avion visant la Maison Blanche s’était quant à lui écrasé en Pennsylvanie suite à une rébellion de ses passagers. Cet attentat, perpétré par Al-Qaïda et son leader Oussama Ben Laden, causera la mort en seulement deux heures de près de 2 977 personnes et en blessera 6 291. Cette attaque meurtrière entraînera petit à petit les États-Unis sur une pente descendante qui fragilisera leur image et leur statut. Cette attaque souligne un autre point : les États-Unis et leurs civils peuvent être atteints.

C’est à la suite de ces attaques que les États-Unis menèrent la deuxième guerre du Golfe dans le but d’atteindre Oussama Ben Laden et de venger ses morts. C’est là que les États-Unis prennent, pour beaucoup, leur première mauvaise décision : l’envahissement de l’Irak. Les États-Unis, galvanisés par la haine, justifient cette invasion par la supposée détention d’armes nucléaires par le régime de Saddam Hussein. Malgré le manque de preuves et la méfiance de nombreux pays vis-à-vis de cette attaque, notamment la France, les États-Unis lancent l’offensive. Cette attaque aura des conséquences tragiques. L’Irak ne s’est toujours pas remis de cette invasion, et ce malgré le retrait des troupes américaines en 2011. Cette attaque aura créé un régime politique instable au Moyen-Orient et aura surtout permis aux groupes terroristes tels que Daesh par exemple, de s’étendre. Les prisons irakiennes, où un grand nombre de terroristes étaient emprisonnés, furent vidées suite à l’invasion américaine, permettant ainsi à ces prisonniers de rejoindre ces groupes. Un grand nombre de pays furent victimes de ces groupes terroristes, comme la France avec les attaques de janvier et novembre 2015, causant la mort de plus d’une centaine de personnes.

Cette intervention en Irak, et ce malgré les avertissements de ses alliés, a fragilisé l’image des États-Unis, désormais jugés trop impulsifs. L’interventionnisme américain, se voyant souvent comme la police du monde, a également contribué à la vague d’américano-scepticisme que subissent les États-Unis aujourd’hui.

La politique américaine semble également avoir perdu de sa superbe au cours des dernières années. L’Amérique et son gouvernement peuvent être définis comme bipolaires quant à leurs actions. Lors de la COP 21 de Paris en 2015, l’administration Obama avait rejoint l’accord, assurant que les États-Unis s’engageraient durablement dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’administration Trump se retira dès 2019 de ces accords, avant que l’administration Biden n’y retourne. Cette bipolarité fait des États-Unis un pays peu fiable, même pour ses alliés. Les États-Unis ont également été moqués dans le monde il y a encore quelques mois quand la future présidence des États-Unis allait se jouer entre deux seniors, en la personne de Joe Biden (81 ans) et de Donald Trump (78 ans), avant que Kamala Harris ne vienne remplacer le premier.

Les États-Unis se sont également mis plusieurs fois, ces dernières années, certains de leurs alliés à dos. Ce fut notamment le cas en 2021 lors de la crise des sous-marins nucléaires. En 2016, le gouvernement australien avait signé avec Naval Group un contrat de 34,3 milliards d’euros (réévalué plus tard à 56 milliards d’euros), la part française finale s’élevant au maximum à 8 milliards d’euros, pour la construction de douze sous-marins à propulsion classique anaérobie de classe Attack. L’Australie décidera de se tourner vers la Grande-Bretagne et les États-Unis afin de former une alliance qui permettrait ainsi à l’Australie de casser son contrat avec la France. Le contrat sera ainsi cassé et les États-Unis fourniront à l’Australie huit sous-marins nucléaires d’attaque. Cet incident avait créé une crise diplomatique importante entre la France et les États-Unis. La France, à la suite de cette crise, rappela l’ambassadeur de France aux États-Unis, ce qui était une première dans son histoire, ainsi que l’ambassadeur de France en Australie. Lors d’un échange à Rome, Joe Biden s’était excusé auprès d’Emmanuel Macron, disant : « Ce que nous avons fait était maladroit. »

Différents facteurs ont affaibli l’image et la puissance des États-Unis. Si certains événements, comme les attaques du 11 septembre, échappaient évidemment à leur contrôle, c’est surtout leur impulsivité et leur “bipolarité” politique qui ont contribué à cette fragilisation.

De nouveau concurents?

Les États-Unis, seuls au monde après la guerre froide, ont vu émerger ces dernières années de nouveaux concurrents pour leur trône. Les États-Unis étaient considérés comme la police du monde, le seul pays à pouvoir dissuader n’importe quelle puissance de rentrer en guerre. Force est de constater que les concurrents de l’Amérique ne subissent aujourd’hui plus les pressions des États-Unis. C’est notamment le cas de la Russie, qui n’hésite pas, au travers de son président Vladimir Poutine, à contester de nouveau l’hégémonie américaine. La Russie agit de nouveau selon ses désirs. La guerre en Ukraine en est la preuve. Les États-Unis avaient promis une riposte forte face aux actions du Kremlin en 2022. Aujourd’hui, la Russie n’a subi que des sanctions économiques et l’apport d’armes des membres de l’OTAN pour l’Ukraine. Bien trop peu pour effrayer Vladimir Poutine. Les États-Unis ne peuvent aujourd’hui pas jouer le rôle de médiateur dans ce conflit et ne peuvent se permettre d’envoyer des troupes en Ukraine. Le risque nucléaire et les menaces du Kremlin sur son utilisation rendent l’hypothèse d’une intervention armée inimaginable.

La non-intervention américaine en Ukraine aurait par ailleurs renforcé la position d’un autre concurrent : la Chine. La Chine, face à la faible marge de manœuvre des États-Unis en Ukraine, a désormais les yeux tournés vers Taïwan. Xi Jinping, le président chinois, avait promis en 2017 lors de son second mandat que la Chine avait pour objectif de devenir la première puissance mondiale en 2049, année du centenaire du régime. Le régime chinois veut, pour dépasser les États-Unis, faire de son armée la meilleure du monde. Les Chinois veulent également avoir la mainmise sur le marché. Ces derniers ont ainsi lancé en 2013 la Ceinture et la Route, un projet incarnant une nouvelle route de la Soie. La Chine avait, pour cela, acheté des ports dans différents pays afin de faciliter le transit de sa marchandise. La Chine avait notamment, via l’entreprise Cosco, privatisé le port du Pirée à Athènes, en Grèce. Le but du projet est également d’améliorer les relations diplomatiques du pays avec les pays proches de cette route.

La Chine a également pour objectif de dépasser les États-Unis dans le domaine scientifique. C’est notamment le cas dans l’espace, où la Chine ambitionne de devenir la première puissance spatiale en 2049.

La Chine a également bénéficié de la politique de l’administration Trump. Donald Trump avait, lors de son mandat, toujours mis en avant que sa seule priorité était l’Amérique. Une doctrine qui avait ainsi poussé le pays à retourner vers sa politique d’isolationnisme. La Chine en avait ainsi profité pour étendre son influence dans le monde et notamment en Asie. Les Philippines avaient, par exemple, promis à la Chine de lui acheter du matériel militaire après l’élection de Donald Trump. L’influence des États-Unis en Asie permettait de contrôler l’influence chinoise sur le continent. La politique de Donald Trump a vu les pays d’Asie subir l’influence de la Chine, agaçant un grand nombre de pays dont l’Inde.

Les États-Unis se trouvent désormais face à des rivaux qui gagnent en influence, notamment la Chine et la Russie. Ces deux puissances ne cachent plus leurs ambitions de prendre une place dominante sur la scène mondiale. La Chine, avec son essor économique spectaculaire et sa volonté de s’imposer militairement, et la Russie, en pleine reconquête de son statut géopolitique, représentent des défis de taille pour l’hégémonie américaine.

Mais qu’en est-il réellement?

Malgré une image fragilisée et la montée en puissance de ses concurrents, les États-Unis ne devraient pas être inquiétés à court terme par une potentielle perte de leur statut dans le monde.

La Chine, son principal concurrent, traverse actuellement une crise économique importante. Le régime a été grandement affecté par la crise du coronavirus en 2020. La Chine a vu, à travers ses nombreux confinements, un grand nombre de ses secteurs économiques être paralysés. Le plan de relance de l’économie chinoise par Pékin est aujourd’hui un échec. La reprise chinoise s’est affaiblie, avec une croissance du PIB décevante, une chute de la confiance des consommateurs et un effondrement des prix de l’immobilier, qui a provoqué la faillite de certaines des plus grandes entreprises du pays. C’est notamment le cas d’Evergrande. L’entreprise était le plus grand promoteur immobilier du monde avant d’accumuler plus de 300 milliards de dollars de dettes en raison d’emprunts excessifs et d’une expansion démesurée. L’entreprise a fait défaut sur sa dette en 2021 et est depuis en cours de liquidation, avec des pertes dépassant 81 milliards de dollars pour 2021 et 2022.

La Chine a également une mauvaise image à l’international. La Chine fait partie des mauvais élèves face au réchauffement climatique notamment. La Chine est le plus grand pollueur mondial (30 % des émissions de CO2) devant les États-Unis (14 %). La Chine est également l’un des pays qui bénéficient le plus du braconnage des espèces animales. La Chine est le pays où le trafic de pangolins est le plus élevé au monde : environ 3 millions de pangolins par an. Mais l’animal le plus tué en Chine est le rhinocéros. La Chine a également consommé, grâce au braconnage, entre 1990 et 2023, 105 931 ivoires d’éléphants.

Le pays est également adepte de la censure. Le régime de Pékin ne peut pas être critiqué encore aujourd’hui. La censure dans le pays est forte et peu de voix osent se faire entendre. Le régime de Xi Jinping ne se contente pas, par exemple, de limiter le temps que les jeunes Chinois passent devant leurs écrans et leurs jeux vidéo. Il cherche également à encadrer le contenu qu’ils regardent et les jeux auxquels ils jouent. Le régime avait également, en 2018, procédé à l’arrestation de Xu Zhangrun, intellectuel de 57 ans et figure majeure de la contestation du pouvoir de Xi Jinping. Ses critiques frontales du régime communiste avaient fait de lui une cible de choix pour Pékin. La jeunesse chinoise est quant à elle réticente à l’idée de rester en Chine. Pour preuve, près d’un million d’étudiants ont choisi de poursuivre leur cursus universitaire en dehors de la Chine. 289 000 ont d’ailleurs rejoint les États-Unis.

La Russie, quant à elle, présente aujourd’hui une économie instable liée à la guerre en Ukraine et un retard technologique beaucoup trop important face à son plus grand rival du siècle dernier. La Russie reste toutefois le pays avec le plus grand nombre d’ogives nucléaires (5 889) devant les États-Unis (5 244). Les deux pays possèdent à eux deux 90 % des armes nucléaires mondiales.

Les États-Unis, quant à eux, restent toutefois le pays avec la plus grande armée. Ils possèdent 1 400 000 soldats et sont présents sur tous les continents et océans. Les États-Unis, avec 11 porte-avions au total, possèdent 40 % de la flotte mondiale. Le pays investit également chaque année des centaines de milliards de dollars dans son armée (916 en 2023). Le hard power américain est également renforcé par son rôle de leader de l’OTAN et de membre permanent de l’ONU. Le siège de l’ONU se trouve également à New York.

Les États-Unis sont aujourd’hui également la première puissance économique mondiale. Le pays bénéficie, avec Wall Street, de la principale place boursière de la planète. Le pouvoir économique des États-Unis ne se limite d’ailleurs pas à New York. Par exemple, la Californie, à elle seule, affiche un PIB qui la placerait au cinquième rang des économies mondiales. Globalement, les États-Unis détiennent le plus grand PIB au monde, atteignant 20 500 milliards de dollars devant la Chine (16 600 milliards).

L’une des plus grandes forces des États-Unis est aujourd’hui son soft power. Pour beaucoup, l’Amérique est terre de succès et d’excellence. 9 des 10 plus grandes fortunes au monde sont américaines, avec celles de Elon Musk, Jeff Bezos ou encore Bill Gates. Cette image d’excellence se traduit également par le fait que les États-Unis possèdent certaines des meilleures universités au monde sur la côte Est, avec Harvard et Yale, par exemple, mais aussi à l’ouest avec Berkeley et Princeton. À l’inverse de la Chine, le pays accueille chaque année plus d’un million d’étudiants internationaux. Le pays possède également un grand nombre de centres innovants, tels que la Silicon Valley, qui abrite les sièges de Google ou encore Facebook. Le pays a également vu naître sur son sol un grand nombre de sociétés aujourd’hui mondialement connues, telles que Apple, Microsoft ou encore Ford. Les produits de ces marques sont aujourd’hui présents sur la quasi-totalité de la planète. De plus, les États-Unis bénéficient des prouesses de la NASA, qui a su inspirer le monde entier au cours de son histoire.

Les États-Unis sont également un pays qui fait encore rêver. Le pays accueille chaque année des dizaines de millions de touristes (67 millions). Les États-Unis peuvent compter sur un grand nombre de villes extrêmement touristiques, telles que New York, Chicago, Washington ou encore Miami. À long terme, les États-Unis visent à accueillir 90 millions de visiteurs par an d’ici 2028, générant 279 milliards de dollars de dépenses annuelles. Le pays va ainsi pouvoir compter sur la Coupe du Monde de la FIFA 2026, qui se déroulera sur son sol, ainsi que sur les Jeux Olympiques 2028 pour atteindre ce chiffre.

Le pays s’exporte également très bien. Hollywood, par exemple, voit ses films diffusés dans le monde entier. Les cinquante films ayant connu les plus grands succès au box-office mondial proviennent tous des États-Unis. Les plateformes de streaming regardées dans le monde entier sont également américaines, telles que Netflix, Amazon Prime ou encore Disney+. D’autres entreprises telles que McDonald’s, Nike ou encore Coca-Cola sont présentes presque partout dans le monde. La multinationale Procter & Gamble est, par exemple, présente dans plus de 180 pays. Les réseaux sociaux contribuent également au soft power américain, tels que Instagram, X (Twitter), Facebook ou encore Snapchat.

Les États-Unis, malgré les nombreux défis auxquels ils ont fait face au cours des dernières décennies, tant sur le plan intérieur qu’international, demeurent incontestablement la première puissance mondiale. Leur influence, qu’elle soit économique, militaire ou culturelle, reste prépondérante. Si de nouveaux concurrents, tels que la Chine ou la Russie, contestent leur hégémonie, les États-Unis conservent une avance considérable grâce à leur capacité d’innovation, leur pouvoir d’attraction et leur rôle central dans les institutions mondiales. L’Amérique devra néanmoins apprendre à naviguer avec plus de finesse dans un monde de plus en plus multipolaire et incertain afin de ne pas perdre son trône pour de bon. La prochaine élection présidentielle sera cruciale pour l’avenir du pays. Elle décidera si le pays pourra maintenir son statut dans les années à venir ou s’il entamera une lente érosion de sa domination. Pendant ce temps-là, le monde observera, se demandant si l’Amérique saura rester à la hauteur de son histoire ou si un nouvel ordre mondial, encore en gestation, émergera pour redessiner les équilibres de puissance.

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