Depuis quelques années maintenant, le sentiment de fierté nationale semble s’être perdu. Le patriotisme peut être décrit comme un mot “métamorphe”, tant sa définition varie selon les personnes. Mais est-ce vraiment tabou d’être patriote ?
Comment expliquer le désamour de la France ?
La première raison qui a fait naître chez le peuple français un sentiment de honte vis-à-vis de son pays remonte à 1945. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France, assise aux côtés des vainqueurs de la guerre, n’est qu’un arbre qui cache la forêt. Ce n’est pas la France en tant que telle qui est assise avec les Alliés, mais plutôt la Résistance française menée par le Général De Gaulle. En 1940, la France est facilement vaincue par la “blitzkrieg” allemande. La France capitule, et le régime de Vichy voit le jour. La France va alors commettre, sous le régime de Pétain, des crimes horribles comme la déportation de Juifs lors de rafles organisées par Vichy, la plus célèbre étant celle du Vel d’Hiv. 75 721 Juifs, dont près de 11 000 enfants, seront déportés de France entre mars 1942 et août 1944, dont seulement 2 566 reviendront en 1945, soit environ 3 % des déportés. Pierre Laval, président du Conseil des ministres de France, avait poussé la collaboration si loin qu’il avait lui-même demandé aux Allemands l’autorisation de déporter des enfants juifs de moins de 3 ans, chose que les nazis eux-mêmes s’abstenaient de faire. De plus, on estime que seulement 2 à 3 % de la population française était résistante. Le reste de la population ne voulait ou ne pouvait surtout pas contester l’autorité allemande ou de Vichy, par peur d’être déporté. Ainsi, au sortir de la guerre, et encore aujourd’hui, la France est moquée pour cette période sombre de son histoire, et ce, au sein même de son propre pays.
Un autre facteur qui pourrait expliquer ce sentiment de honte est notre passé colonial. La France était un empire colonial important, seul véritable concurrent des Britanniques. De ce fait, la France a contrôlé de nombreuses terres, allant de l’Asie à l’Amérique, en passant par l’Afrique. Comme pour l’ensemble des grandes puissances de l’époque, la France a commis des actes affreux à l’encontre de certaines civilisations, notamment en les réduisant en esclavage. Des personnages historiques tels que Napoléon font également débat aujourd’hui. Pour beaucoup, il est vu comme un tyran, un homme ayant érigé des lois à l’encontre des droits de l’homme. Ce dernier avait notamment rétabli l’esclavage en France. La France a également sévèrement réprimé certains peuples cherchant plus de libertés, comme à Madagascar (1947), Haïphong (1946), Côte-d’Ivoire (1949-1950) et Casablanca (1947), où l’armée française a massacré des dizaines de milliers d’hommes et de femmes. Certains conflits, notamment en Algérie, ont également renforcé un sentiment de honte face à la France. Emmanuel Macron a lui-même reconnu que la colonisation était un crime contre l’humanité.
Le désamour pour la France trouve ses racines dans des pages complexes de son histoire, marquées par des périodes sombres et des choix controversés. Aujourd’hui, ces épisodes résonnent encore, nourrissant une réflexion continue sur l’identité nationale et le sens même du patriotisme.
Et aujourd’hui alors ?
Le patriotisme, surtout en politique, a une définition bien différente selon les partis.
Pour l’extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon, le patriotisme est souvent assimilé au racisme. Leur rhétorique laisse entendre qu’aimer la France, c’est être d’extrême droite. LFI n’hésite d’ailleurs pas à critiquer la France et son histoire. Selon Antoine Léaument, député LFI, la France ne serait née qu’en 1789 au sortir de la Révolution, avançant qu’aucun des symboles de la France d’aujourd’hui n’existait avant la Révolution. Ce dernier reniait ainsi dans ses propos plus de mille ans d’histoire française. Un autre député LFI, Arnaud Saint-Martin, déplorait quant à lui sur X « la couverture chauviniste » des médias français pendant les JO, notamment la focalisation sur les athlètes tricolores, au détriment des autres. Nathalie Arthaud, porte-parole de la lutte ouvrière, regrettait également le fait que les JO se focalisent sur les athlètes français, ajoutant « il fallait bien des cocoricos et des Marseillaises ». Rima Hassan, quant à elle, de manière habile, citait sur X Frantz Fanon en disant « Pour le colonisé, la vie ne peut surgir que du cadavre en décomposition du colon ». La députée insoumise au Parlement européen, ayant sans doute conscience que la majorité de ses abonnés n’avait jamais lu Fanon, critiquait ainsi vigoureusement la France, ce qui avait suscité beaucoup de réactions sur l’application. Cette pensée ne se limite pas aux politiques. Des influenceuses d’extrême gauche, comme Camilleetjustine sur TikTok, affirment quant à elles qu’un influenceur se présentant en vidéo avec un drapeau de la France est un facho.
Le patriotisme est également devenu tabou avec la montée en puissance de l’extrême droite. La rhétorique de cette dernière, se présentant comme les sauveurs de la France, s’est accaparé l’image du patriotisme. Pour beaucoup des membres de ces partis, ne pas voter pour eux, c’est ne pas aimer la France. Cette rhétorique a ainsi permis à ces partis de gagner des électeurs au fil des années. Ces derniers n’hésitent pas également à viser des minorités pour les accuser d’être responsables des maux que connaît la France. Éric Zemmour présente ainsi les musulmans de France comme des envahisseurs. Il estime que les musulmans « vivent entre eux, dans les banlieues », que « les Français ont été obligés de les quitter ». Il rajoute que « cette situation d’un peuple dans le peuple, des musulmans dans le peuple français, nous conduira au chaos et à la guerre civile ». L’écrivain Michel Houellebecq avait quant à lui déclaré « Le souhait de la population française de souche, comme on dit, ce n’est pas que les musulmans s’assimilent, mais qu’ils cessent de les voler et de les agresser. Ou bien, autre solution, qu’ils s’en aillent ». Ce n’est pas la première fois dans l’histoire que l’extrême droite choisit un bouc émissaire. Dans les années 30 déjà, les ligues d’extrême droite s’opposaient aux juifs qu’ils accusaient de contrôler l’État.
Aujourd’hui, beaucoup de Français ressentent un malaise vis-à-vis du patriotisme, influencés par des discours politiques qui polarisent les perceptions de l’identité nationale. D’un côté, certains courants de gauche associent l’amour de la France à un nationalisme excluant, tandis qu’à l’extrême droite, des propos sur l’identité et les origines contribuent à marginaliser certaines communautés, leur donnant le sentiment de ne jamais être pleinement acceptées. Cette division renforce le sentiment pour certains qu’ils ne pourront jamais se sentir pleinement français.
Est-ce tabou d’être patriote?
Être patriote, aimer son pays, ne devrait pas être tabou. Le patriotisme est aujourd’hui utilisé à des fins politiques, que ce soit pour crier au racisme ou pour propager de la haine. Les Français ont, ces dernières années, assimilé le patriotisme à la politique. Être patriote, c’est aimer la France dans son entièreté, au-delà de nos politiques. Toutefois, 76% des français se disent publiquement patriotes aujourd’hui.
Cependant, elle a aussi été une source d’inspiration pour le monde entier. La France, c’est les philosophes des Lumières et leurs idées nouvelles qui amèneront les Droits de l’Homme, eux aussi français. La France, c’est une histoire riche s’étalant du règne de Clovis en 496 à la Cinquième République aujourd’hui, en passant par Louis XIV, Napoléon et le général de Gaulle pour ne citer qu’eux. La France, c’est également l’art et les monuments avec les peintures de Monet, les œuvres de De Vinci ou Picasso, ou encore les travaux de Haussmann et de Gustave Eiffel qui font de la France l’un des pays les plus riches culturellement parlant. La France est aussi une terre d’innovation avec la création du cinéma par les frères Lumière, la médecine de Pasteur ou encore les découvertes de Marie Curie sur la radioactivité.
La France, ce sont aussi des personnages hauts en couleurs tels que Molière pour ses pièces, Louis XIV et Versailles, Napoléon pour ses conquêtes et son Code civil encore en vigueur aujourd’hui, Victor Hugo pour ses écrits ou encore de Gaulle comme symbole de la résistance. La France, c’est aussi Simone Veil, porteuse de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, Olympe de Gouges, pionnière du féminisme, ou encore Simone de Beauvoir pour ne citer qu’elles. Il y a également Félix Éboué, résistant de la première heure, Joséphine Baker, franco-américaine, ou encore Teddy Riner aujourd’hui, qui ont tous rendu la France fière.
Il ne faut pas oublier non plus qu’à l’international, la France fait toujours rêver. Le monde envie notre nourriture, nos monuments et nos châteaux. La France est le pays qui accueille chaque année le plus de touristes internationaux, comme en 2022 où près de 79 millions d’entre eux ont posé leurs bagages en France. La diversité des paysages français, avec ses montagnes, ses plages ou encore ses forêts, attire des touristes du monde entier, tout comme sa gastronomie et ses villes telles que Paris, Bordeaux, Lyon et bien d’autres, avec leurs monuments.
Il n’est pas impossible d’imaginer un peuple français uni derrière son pays. On l’a notamment vu lors des Jeux Olympiques de Paris. Les Français étaient, pour la première fois depuis bien longtemps, fiers de leur pays, s’identifiant comme une seule entité à travers les courses de Léon Marchand, les exploits des judokas français ou encore l’or de Pauline Ferrand-Prévot et son VTT.
Non, ce n’est pas tabou d’être patriote et d’aimer son pays. Nos politiques nous ont fait penser que le patriotisme était un fléau ou une arme destinée à rabaisser des minorités. Beaucoup de personnes ont également assimilé le mot “patriotisme” à des mots comme “nationalisme”. Comme l’a dit le Général de Gaulle, “Le patriotisme, c’est aimer son pays. Le nationalisme, c’est détester celui des autres.” Être patriote, c’est partager une histoire commune et un héritage commun. Être patriote, c’est également rendre hommage aux personnes qui sont mortes pour elle au cours de son histoire, peu importe l’époque. Avant de demander à la France d’être parfaite, posons-nous d’abord cette question : Méritons-nous, en tant que peuple, une France parfaite ?
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