L'Observateur Moderne

Comment Kamala a-t-elle perdu ?

novembre 11, 2024 | by Lysandre Chaabi

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La nuit du 5 au 6 novembre 2024 a vu Donald Trump devenir le 47e président des États-Unis. Il devient le premier président à se faire réélire pour un second mandat sans être le président sortant. Pour Kamala Harris et le camp démocrate, la déception est énorme, elle qui se disait si confiante quelques heures avant les résultats. Alors comment expliquer la défaite de Kamala Harris ?

L’image de Biden

Lorsque Kamala Harris est nommée vice-présidente des États-Unis par Joe Biden, cela a tout du bon coup. Elle devient la première femme noire et d’origine asiatique à occuper cette position. Le pari est d’autant plus intéressant qu’elle est vue comme la relève de Joe Biden en 2024, si jamais ce dernier ne pouvait pas se représenter, ce qui fut le cas. Toutefois, le mandat de l’administration Biden a déçu un grand nombre d’Américains. Kamala Harris est ainsi devenue, pour beaucoup, l’image de la continuité du mandat du président sortant. Selon le Pew Research Center, seulement 35 % des Américains se disaient satisfaits par le mandat de Joe Biden tandis que 62 % le désapprouvaient en avril dernier. Harris n’a également pas bénéficié du retrait de dernière minute de Joe Biden en juillet, qui ne lui a laissé que très peu de temps pour organiser sa campagne. Harris est ainsi apparue, y compris au sein du parti démocrate, comme une roue de secours.

Joe Biden et Kamala Harris

La gestion de la crise israélo-palestinienne par l’administration Biden a également pu influencer la campagne de Kamala Harris. Les bulletins dépouillés dans le Michigan révèlent qu’il manquait 80 000 voix à Harris pour remporter l’État. Cet État, qui compte le plus grand nombre d’Americano-Arabes (211 000), a vu une grande partie de cette communauté s’abstenir lors de ces élections, mécontente de la manière dont l’administration Biden a traité la question palestinienne.

manifestation pour la cause palestinienne dans le Michigan

Cette campagne précipitée et l’ombre de Biden se sont ainsi traduites dans les résultats. En 2020, l’ancien vice-président de Barack Obama s’était imposé face à Donald Trump dans plusieurs « swing states » comme la Pennsylvanie, la Géorgie, le Michigan et le Wisconsin. Kamala Harris, quant à elle, s’est inclinée dans tous ces États face à Trump. Plus alarmant encore, elle a réalisé de moins bons résultats dans des États pourtant acquis à la cause démocrate, comme la Californie, qu’elle a remportée avec un score de 57 %, alors que Biden s’était imposé avec 63,5 % des voix en 2020, ou encore New York, qu’elle a remporté avec 56 % des voix contre 60,9 % pour Biden.

Une communication imparfaite ?

Kamala Harris a su haranguer les foules lors de ses mandats et a mené une campagne impressionnante. Elle avait même réussi à rattraper le retard accumulé par Joe Biden sur Donald Trump dans les sondages, au point que personne ne pouvait prédire le résultat des élections quelques heures avant le dépouillement des votes.

Cependant, la communication de Kamala Harris a irrité certains électeurs américains. Un premier exemple est celui de Tim Walz, qu’elle avait choisi comme futur vice-président. Cependant, ce dernier est resté en retrait pendant la campagne, ne permettant pas aux Américains de se faire un véritable avis sur lui. De plus, la justification de ce choix par la candidate démocrate n’a pas fait l’unanimité. Selon CNN, Mme Harris aimait bien Tim Walz, alors gouverneur du Minnesota. Toujours selon CNN, elle appréciait sa simplicité et la manière dont il se présentait comme un homme accessible et sans prétention.

Harris et Walz

De plus, d’après The New York Times, Kamala Harris a parfois été perçue comme peu convaincante dans ses prises de position sur des dossiers clés tels que la politique environnementale et la réforme de la justice pénale. Lors de certains événements de campagne, les électeurs n’ont pas réellement eu de réponses à leurs questions, face aux réponses plutôt vagues de la vice-présidente. Concernant la réforme de la justice pénale notamment, elle avait évité de s’engager clairement sur des réformes spécifiques, laissant penser qu’elle était hésitante et manquait de profondeur sur des sujets cruciaux.

Un soutien insuffisant ?

Kamala Harris a reçu, tout au long de sa campagne, le soutien de nombreuses personnalités. Elle a, comme beaucoup de candidats démocrates, attiré le soutien de stars de la musique et d’Hollywood, comme Anne Hathaway, le casting des Avengers avec Scarlett Johansson et Robert Downey Jr., ou encore Katy Perry, Taylor Swift et Eminem. Elle a également bénéficié du soutien du couple Obama, dont l’influence reste extrêmement importante dans la politique américaine.

Eminem, soutien de Kamala Harris

Cependant, Donald Trump a lui aussi bénéficié de soutiens de poids. Le plus important venant de l’homme le plus riche du monde : Elon Musk. Ce dernier a largement contribué à la campagne de Donald Trump, investissant pas moins de 130 millions de dollars. Il s’est également impliqué de manière conséquente en offrant récemment un million de dollars par jour aux citoyens votant pour Trump dans les États clés. Une manœuvre contestée mais finalement jugée légale par la justice de Pennsylvanie. Un autre atout a renforcé l’influence de Trump : X. Le réseau social, acquis par Musk en 2022, a apporté un soutien important à Trump. Les tweets de propagande de Musk en faveur de Trump étaient constamment mis en avant, donnant à Trump une vitrine significative pour répandre ses idées et ses théories du complot. On estime que 75 % des tweets (reposts compris) du nouveau président promeuvent des « fake news », ce qui lui permet d’élargir son électorat.

Trump et Elon Musk

Kamala Harris avait, quant à elle, le soutien d’une grande partie des médias comme CNN ou encore le New York Times. Seulement, X a permis à Trump d’atteindre un électorat plus jeune, peut-être plus naïf, que Kamala Harris n’a pas su atteindre.

Une campagne trop sage ?

Kamala Harris manquait également peut-être de ce petit grain de folie. Paradoxalement, elle n’aura pas eu l’opportunité de se démarquer par un événement marquant. Donald Trump, lui, a eu cette « chance » en juillet dernier, lorsqu’il est apparu en public après une tentative d’attentat, brandissant son poing en signe de victoire. Il y a également ses petites danses et son style théâtral, qui lui ont donné l’image du « papi cool », aimé pour son spectacle et ses coups de communication, dont les Américains sont friands. Kamala Harris, quant à elle, a fait preuve de plus de réserve durant sa campagne, se concentrant sur le fond plutôt que la forme, ce qui a pu jouer en sa défaveur lors de ces élections. Victor Hugo avait dit « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface ». Les Américains auront malheureusement, pour Kamala Harris, préféré la forme des idées de Trump au fond de celles de Harris.

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