L'Observateur Moderne

L’Amerique du KKK: Une histoire à connaitre

septembre 16, 2024 | by Lysandre Chaabi

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L’histoire de l’Amérique du KKK n’est pas une histoire facile à lire, mais c’est une histoire à connaître. Le Ku Klux Klan est le groupe terroriste raciste le plus ancien d’Amérique. Il est difficile d’imaginer que la première puissance mondiale était témoin, il y a à peine 100 ans, des crimes odieux de cette organisation. Alors que le Ku Klux Klan a marqué une page importante de l’histoire des États-Unis, son héritage de terreur reste largement ignoré dans les programmes scolaires français, privant le grand public de la pleine compréhension de cette page sombre du XXe siècle.

La naissance du Klan

Le KKK est une organisation secrète créée en 1865 dans la ville de Pulaski (Tennessee), suite à la guerre de Sécession. Des vétérans sudistes de la guerre, n’admettant pas leur défaite mais surtout l’abolition de l’esclavage, ont créé cette organisation dans le but de se battre pour leurs convictions. Le Klan était dès lors un groupe raciste, antisémite et anti-catholique, voyant les membres de ces communautés comme la cause de tous les problèmes en Amérique.

Lors de la première ère du Klan, les actions étaient très brutales, voire barbares (un comble pour une organisation prétendant se battre contre la barbarie). Le but du groupe était d’instaurer un climat de terreur dans les villes où les communautés visées étaient présentes en nombre, faisant ainsi du KKK un groupe terroriste. Il était inconcevable pour le Klan d’imaginer des hommes noirs exprimer leurs revendications politiques en votant. Ainsi, en 1868, lors des élections présidentielles, les actions du groupe devinrent extrêmement violentes. En l’espace de 4 semaines, le groupe tua près de 1 000 Afro-Américains ayant eu le malheur de se présenter à un bureau de vote. Les actes du Klan parvinrent toutefois aux oreilles de Washington, notamment au Congrès. Plusieurs lois visant à arrêter le Klan furent votées, ainsi que l’application de la loi martiale dans le pays. Cela entraîna le déploiement de l’armée fédérale dans le sud du pays, avec pour but de protéger les Afro-Américains en réprimant le Klan. Ces mesures s’avérèrent efficaces, car en 1872, le Klan fut officiellement détruit.

L’Empire Invisible

Toutefois, le groupe renaîtra de ses cendres en 1914 et entamera une longue ascension dans les années 1920. Cette période est d’ailleurs vue comme l’âge d’or du Klan. Ce renouveau fut permis grâce à la diffusion d’un film de 1915, nommé « Naissance d’une nation » de D. W. Griffith. Le Klan et ses actions, tombés dans l’oubli, y sont représentés comme des justiciers et non des criminels. La dernière scène du film met d’ailleurs en lumière l’héroïsme des membres du Klan, prêts à mourir pour protéger les femmes blanches des « barbares noirs ». William Joseph Simons, un prédicateur américain, profita de cet emballement médiatique pour recréer le Klan, qu’il définira lui-même comme un empire invisible. « Naissance d’une Nation » devint alors la vitrine du KKK, et Simons se proclama empereur du Klan. Le nouvel empereur affirma que les ennemis de l’Amérique n’étaient désormais plus seulement les Noirs, mais également les catholiques venant d’Europe, ainsi que les juifs d’Europe de l’Est. Le Klan utilisera aussi les problèmes politiques et économiques que rencontrait les États-Unis au sortir de la Première Guerre mondiale pour véhiculer ses messages de haine. Ces problèmes, selon le Klan, s’expliquaient par la présence de juifs dans les banques, d’emplois destinés aux Blancs occupés par les Noirs, ou encore par la présence d’immigrés allemands, devenus eux aussi une cible du groupe. C’est ainsi que le groupe, aveuglé par la haine, ne vit qu’une seule option pour redorer l’Amérique : l’usage de la violence

Les actions du Klan atteignirent un degré de violence sans précédent pendant cette période dorée. Les membres du Klan n’hésitaient pas à pendre publiquement des Afro-Américains ou encore à les traîner dans les rues à l’aide de voitures. Le groupe fit également de ces lynchages des images de cartes postales. Leur bonne réputation était telle que les membres du Klan étaient applaudis comme des héros par le public. Cet engouement pour leurs actions entraîna une hausse des violences avec des incendies volontaires, des lynchages publics, mais aussi des attentats à la bombe. Un exemple tristement célèbre est le bombardement de l’église baptiste de la 16e rue à Birmingham, Alabama, en 1963, qui tua quatre jeunes filles afro-américaines. Un autre exemple marquant est celui de Tulsa en 1921. Le 21 mai 1921, pendant deux jours, une foule mit le feu à des centaines de commerces et de maisons appartenant à des Noirs à Greenwood. Plus de 300 Noirs furent tués, plus de 10 000 se retrouvèrent sans abri, et 40 pâtés de maisons furent perdus dans les flammes. Les survivants ont raconté que les corps des victimes avaient été chargés dans des trains et jetés des ponts dans la rivière Arkansas ou, le plus souvent, dans des fosses communes. Une méthode qui rappelle fortement la manière dont les nazis traiteront le peuple juif 20 ans plus tard.

L’organisation comptait alors dans ses rangs plus de 4 millions de membres. Elle devint également l’une des plus importantes organisations politiques du pays et envahit l’ensemble du territoire. Un symbole de cet essor eut lieu le 8 août 1925, lorsque 40 000 membres du Klan défilèrent à Washington. Le Klan parvint aussi à infiltrer les institutions politiques en y plaçant des membres et en bénéficiant du soutien de certains politiciens. Il fut prouvé que 11 gouverneurs, 16 sénateurs et 75 membres du Congrès adhéraient au Klan. Pire encore, Hugo Black, membre de la Cour suprême, en était également membre. Le président Truman avouera même plus tard dans ses mémoires avoir brièvement rejoint le Klan dans sa jeunesse. Avec un tel nombre de membres présents dans les institutions politiques américaines, le Klan put influencer le passage de certaines lois allant en sa faveur. La plus grande victoire politique du Klan fut d’ailleurs son influence dans l’adoption de la loi sur l’immigration de 1924, fixant pour la première fois un quota d’immigrés par an.

C’est aussi pendant cette période que le groupe commença à utiliser leurs tristement célèbres costumes composés d’une longue robe ou tunique blanche, recouvrant le corps jusqu’aux pieds et comportant le symbole du Klan cousu sur la poitrine, robe surmontée d’une capuche pointue. Le but du costume était de se faire passer pour des fantômes afin de terroriser leurs victimes, qu’ils savaient superstitieuses.

Toutefois, l’âge d’or du Klan ne survécut pas à la fin des années 1930. D.C. Stephenson, l’un des membres emblématiques du groupe, se retrouva au cœur d’un scandale effroyable. Il sera révélé que ce dernier frappait ses deux ex-femmes régulièrement, mais surtout qu’il avait violé et tué son assistante. Ce dernier sera condamné à la prison à vie. L’image du Klan pâtira grandement à la suite de cette condamnation. Le KKK reniera Stephenson pour ses crimes, qui n’étaient pas en adéquation avec ses vertus, notamment celle de protéger les femmes blanches. Stephenson révélera par la suite en prison les noms des politiciens corrompus par le Klan. Suite à cette affaire, et en l’espace de 3 ans seulement, le groupe perdra 90 % de ses membres, ces derniers ne voulant plus y être associés. Le travail de certains journalistes a également fragilisé l’image du Klan. Les articles de Carter et Cole, visant à dénoncer les membres du Klan, conduisirent à l’arrestation de membres du Klan par le FBI et leur valurent un prix Pulitzer. Il y eut aussi le travail de Walter White, issu d’une famille noire mais pourtant blanc, qui put infiltrer l’organisation afin d’obtenir des informations. On ne peut également passer à côté du travail d’Ida B. Wells, une journaliste noire qui aura répertorié et publié tous les lynchages effectués par le Klan.

Les scandales auxquels le Klan fera face, ainsi que ses liens avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, auront raison de lui. Le Klan disparaîtra donc de nouveau officiellement en septembre 1945, à la suite d’une liquidation judiciaire, le groupe n’ayant payé aucun impôt dans les années 1920.

Un retour dans l’ombre

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Afro-Américains qui avaient combattu pour leur pays rentrèrent chez eux avec un profond sentiment d’accomplissement et de fierté. Ils avaient donné de leur temps, de leur énergie et souvent de leur vie pour défendre les valeurs américaines, et pensaient ainsi mériter le même respect et les mêmes droits que leurs concitoyens blancs. Cette nouvelle vision de l’Amérique n’était évidemment pas en adéquation avec l’idéologie du Klan. Cela créa ainsi des tensions avec les Blancs du sud des États-Unis, qui n’étaient pas prêts à accepter cette soif de liberté.

En octobre 1946, Samuel Green, un docteur et membre du Klan depuis les années 1920, reprit en main l’organisation. Le Klan avait su, malgré la faillite, maintenir une structure clandestine. Des milliers de personnes étaient à nouveau prêtes à rejoindre le groupe.

Le Klan ne parviendra toutefois pas à redevenir aussi influent que dans les années 1920. Pour cause, leurs représentations dans les médias et les films ne leur seront cette fois pas bénéfiques. Le Klan est ainsi représenté comme une menace à combattre, notamment dans les comics faisant la promotion des super-héros tels que Superman ou Captain America. C’est Stetson Kennedy, un journaliste, qui avait infiltré le Klan peu après la guerre afin d’en apprendre plus sur leur renaissance, qui contactera les producteurs de Superman afin que ces derniers mettent en garde les enfants de la toxicité du Klan.

La campagne menée par Kennedy portera ainsi ses fruits lorsque, en 1946, le gouvernement classa officiellement le Ku Klux Klan parmi les organisations subversives. À cette époque, le Klan comptait environ 20 000 membres. Cependant, la menace n’a pas été complètement éliminée. Le groupe reste actif aujourd’hui, continuant de diffuser son idéologie haineuse. Actuellement, on estime qu’environ 15 000 personnes sont encore membres du Klan.

Comment expliquer l’extension du groupe ?

Le groupe comprit très rapidement que le patriotisme américain, véritable force du pays, était un couteau à double tranchant. En effet, au sortir de la guerre de Sécession, ils ont su persuader les Sudistes que le pays était en danger. Ils ont puisé dans le sentiment d’injustice et de trahison que ressentaient les Sudistes après la défaite pour les manipuler. Leur rhétorique était que le gouvernement les avait trahis et que les communautés, notamment noires, étaient favorisées au détriment des Blancs. Le KKK a bâti sa rhétorique sur le fait que la suprématie blanche était menacée.

Les « coups de publicité » dont ils ont bénéficié furent extrêmement bien utilisés par le Klan. On ne peut que rappeler le coup de projecteur du film « Naissance d’une nation », mais aussi leur présence dans d’autres films des années 1920, dont un film du célèbre Walt Disney nommé « Alice’s Spooky Adventure ». Le KKK finançait également des théâtres afin que des représentations en leur honneur y soient jouées. Leur but était de se faire voir dans l’imaginaire commun américain comme des chevaliers venus défendre les intérêts du peuple américain blanc.

Le Klan était également devenu un outil stratégique permettant de développer un réseau influent. Il comptait parmi ses membres des personnes de haut standing, et beaucoup cherchaient à le rejoindre pour se forger une réputation. C’est précisément pour cette raison que Truman avait intégré le Klan.

Le Klan maîtrisait également l’art de la propagande à la perfection. L’organisation possédait des radios diffusant leurs messages 24h/24, mais aussi des musiques à leur gloire ou encore des journaux. L’un des journaux les plus connus se nommait « The Call of the North ». Ce journal rapportait spécifiquement les actions du groupe dans l’État du Minnesota. L’État comptait alors 30 sections et plus de 300 000 membres. La réputation du journal fut telle que leur première publication fut imprimée en dizaines de milliers d’exemplaires. On ne sait toujours pas à ce jour combien de personnes y étaient abonnées. Le journal se réinventa sous le nom de Minnesota Fiery Cross, mettant en avant les idées et les propositions politiques du Klan. Le journal était connu pour son ton fortement moralisateur et présentait le KKK comme une force se battant pour « les meilleures choses de la civilisation américaine ». Le journal disparaîtra par la suite lors de la chute du Klan.

C’est donc à l’aide d’une rhétorique percutante et habilement orchestrée que le KKK put étendre son influence et asseoir sa domination à travers tout le pays. Leur habileté à manipuler les perceptions publiques et à exploiter les divisions sociales a permis au groupe de se constituer un réseau puissant et d’accroître son pouvoir de manière significative. Par cette stratégie, ils ont non seulement renforcé leur présence, mais ont également su attirer des membres influents, consolidant ainsi leur position et leur impact.

Pourquoi un article sur le KKK aujourd’hui ?

Parce que c’est un devoir de mémoire. Nous vivons dans un monde où l’idéologie prônée par le Klan n’est pas taboue. Un grand nombre de pensées du KKK sont encore d’actualité. Ce sentiment d’injustice et cette peur de voir la suprématie blanche s’éteindre sont encore présents aux États-Unis, tout comme dans le monde.

Les stratégies employées par le KKK, notamment en matière de propagande, sont aujourd’hui reprises par de nombreux groupes racistes ainsi que des mouvements politiques. Les groupes d’extrême droite à travers le monde, à l’instar du KKK, se présentent comme des sauveurs de leurs nations face à l’immigration et l’accusent de tous les maux de leur pays, comme le fait par exemple le parti Reconquête d’Éric Zemmour. Cette rhétorique se retrouve également dans la politique américaine, et ce encore plus à l’approche des élections présidentielles. Donald Trump, par exemple, adopte une approche similaire à celle du KKK. Lors du débat du 9 septembre contre Kamala Harris, il avait affirmé que des immigrés mangeaient les animaux de compagnie des Américains (un exemple précis qu’il a généralisé à tous les immigrés, une tactique comparable à celle du Klan).

Il est aussi important de rappeler que le Klan, tout comme d’autres groupes de suprémacistes blancs tels que les Proud Boys ou encore Atomwaffen Division, sont présent aujourd’hui, . Certains anciens membres du Klan mettent en garde les journalistes américains noirs, leur disant de protéger leurs proches. Selon leurs dires, ces derniers attendent une guerre civile afin de prendre le contrôle du pays. De nombreux experts affirment que les assaillants du Capitole le 6 janvier 2020, à la suite de la défaite de Trump aux élections présidentielles, comptaient parmi eux des partisans de la suprématie blanche, ainsi que, pour certains, des membres du Ku Klux Klan. Donald Trump est perçu par certains comme celui qui pourrait ramener les États-Unis vers une époque révolue. Cette vision s’accompagne de la résurgence de tensions raciales, comme en témoignent les violences toujours présentes dans le pays aujourd’hui. Un exemple tragique est la mort de George Floyd, tué par un policier américain, qui a déclenché une vague de protestations contre le racisme. Un autre événement marquant est la fusillade de Charleston, survenue dans la nuit du 17 au 18 juin 2015, au sein de l’Église épiscopale méthodiste africaine Emanuel, une église noire de Charleston. Dylann Roof, un jeune extrémiste suprémaciste blanc de 21 ans, avait ouvert le feu, tuant neuf personnes, dont Clementa Pinckney, un membre du Sénat de Caroline du Sud.

L’histoire du Ku Klux Klan est un rappel puissant des dangers de la haine et de la division. Bien que le Klan ait vu son influence diminuer, les idéologies qu’il portait trouvent encore des échos dans certains discours et mouvements politiques actuels. Cela doit nous pousser à rester vigilants face à ces résurgences et à nous souvenir des leçons du passé. Il nous appartient désormais de décider : rester prisonniers des sombres opinions du passé ou avancer résolument vers un futur éclairé et innovant.

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