L'Observateur Moderne

Le naufrage de la classe politique française

décembre 5, 2024 | by Lysandre Chaabi

image

Alors que le gouvernement Barnier est devenu démissionnaire après l’adoption d’une motion de censure à son encontre, tous les bords politiques se présentent comme la seule et unique alternative. Mais à quoi bon ?

Le déclassement de partis politiques historiques :

Depuis 2012 et la dernière confrontation directe entre le PS et Les Républicains (l’UMP à l’époque), le paysage politique français a bien changé. Mastodontes du monde politique français, ces deux partis se sont depuis effondrés.

Le Parti socialiste, autrefois figure majeure de la gauche française, n’est plus que l’ombre de lui-même. Héritier de Léon Blum et de François Mitterrand, ce parti historique a perdu son cap, son ambition et, surtout, sa voix. Son ralliement à La France insoumise lors des dernières législatives illustre ce déclin. Malgré les critiques passées de LFI, Olivier Faure a accepté de se plier aux exigences de Jean-Luc Mélenchon, réduisant le PS à un rôle secondaire. Le score de Mme Hidalgo à la présidentielle de 2022, limité à 1,7 %, est symptomatique de cette chute. Ce chiffre, au-delà de l’humiliation, témoigne d’un parti en déroute, incapable de se réinventer ou de rassembler son électorat traditionnel.

Les Républicains, quant à eux, font aujourd’hui également face à une crise profonde, semblable à celle du Parti socialiste. Si la chute n’est pas aussi brutale que celle du PS, elle reste importante, notamment vis-à-vis de leur crédibilité. Après tout, comment prendre au sérieux une formation politique dont l’ancien président, il y a encore quelques mois, s’enfermait dans ses bureaux, ignorant ostensiblement ses propres collègues ? De plus, les scandales à répétition, qu’il s’agisse des affaires Fillon ou Sarkozy, ont également sapé sa crédibilité. À cela s’ajoute une fuite de ses figures vers les rangs d’Emmanuel Macron ou de Marine Le Pen, signe d’une perte de repères idéologiques. Même la tentative de renouveau en changeant son nom de l’UMP à « Les Républicains » n’a pas suffi à raviver une flamme éteinte. Le score historiquement faible de Valérie Pécresse à la présidentielle de 2022, à peine 4,8 %, incarne également ce déclin. Les Républicains ne sont plus qu’un vestige d’une droite autrefois dominante, incapable de se réinventer face aux bouleversements politiques de ces dernières années.

Un gouvernement malade:

Le parti du président de la République, longtemps présenté comme un rempart face aux extrêmes, s’effrite aujourd’hui sous le poids de ses propres contradictions. Emmanuel Macron, malgré ses promesses de transformation et ses discours ambitieux, voit aujourd’hui le pays en proie à une profonde crise économique et sociale. Ce mandat, censé endiguer la montée des extrêmes, semble plutôt l’avoir accélérée.

La France navigue aujourd’hui en eaux troubles. Après sept années de mandat, les Français peinent encore à définir clairement l’orientation politique du président ainsi que de son parti : est-il de gauche, de droite ? Cette ambiguïté, loin d’être un atout, a renforcé le sentiment d’abandon et de désenchantement chez une grande partie des Français. De plus, les rouages politiques d’Emmanuel Macron, entre promesses non tenues, réformes contestées et alliances avec les extrêmes, ont contribué à entraîner la France dans ces eaux troubles.

Le bilan est ainsi sans appel : la montée en puissance des extrêmes n’a jamais été aussi forte, et les projections pour 2027 suggèrent un basculement historique. Macron, qui se voulait l’alternative aux partis traditionnels et aux extrêmes, a ouvert la voie à ce qu’il se tenait de combattre. Le mandat d’Emmanuel Macron et ses gouvernements, loin de pacifier le débat public, ont ainsi semé les graines d’un chaos politique profond, laissant une nation fracturée face à la montée inexorable des extrêmes.

L’émergence des extrèmes:

Ce chaos a permis aux extrêmes de prendre une importance sans précédent dans le paysage politique français.

La France Insoumise (LFI), pour commencer, a profondément bouleversé l’échiquier politique français en devenant la force dominante à gauche grâce au Front Populaire. Pourtant, lors des dernières élections législatives, LFI a presque revendiqué seule la victoire, laissant entendre que le triomphe revenait uniquement à son parti, minimisant grandement le rôle des autres membres de la coalition, comme le Parti Socialiste ou Europe Écologie Les Verts.

Mais au-delà de ces revendications, LFI cible délibérément un électorat précis, qu’elle flatte tout en cultivant un sentiment d’exclusion. En insistant sur l’idée que le reste de la France ne les aime pas ou serait raciste à leur encontre, le parti contribue lui-même à renforcer les divisions qu’il prétend dénoncer. Renforcer ce sentiment d’inappartenance auprès des minorités dans le simple but d’obtenir des voix est inquiétant, voire hypocrite. Pire encore, LFI semble se servir de ces électeurs comme d’un tremplin politique, tout en proposant des solutions qui manquent de cohérence. Le parti s’enlise constamment dans des contradictions qui fragilisent ses positions. Il peut, par exemple, défendre ouvertement l’idée que les femmes musulmanes en France doivent pouvoir porter le voile sans contrainte, tout en s’affichant contre le port du voile obligatoire pour les femmes en Iran. Un autre exemple est celui de Jean-Luc Mélenchon, un temps d’accord avec certaines idées d’Éric Zemmour, affirmant que ce dernier n’était pas un raciste mais un brillant intellectuel.

LFI compte également dans ses rangs des membres controversés. Qu’il s’agisse de Louis Boyard assumant presque fièrement avoir vendu de la drogue, d’Antoine Léaument réduisant la naissance de la France à 1792, ou de Mathilde Panot se comparant à Léon Blum sans comprendre cet héritage historique, cela montre que le parti semble plus préoccupé par la provocation que par la construction d’un véritable projet d’unité nationale.

Le Rassemblement National (RN), à l’image de La France Insoumise, prospère également dans la polarisation et le chaos, mais en empruntant une trajectoire opposée. Ces dernières années, le RN est devenu, aux yeux de beaucoup, la seule alternative politique en France. Grâce à une communication habile, il a réussi à persuader une partie des Français qu’il représentait leur unique salut. Face à cette situation, que dirait un Jacques Chirac, lui qui avait averti les Français de ne jamais céder à la tentation des extrêmes ? Aujourd’hui, le RN est décrit par certains comme une simple droite conservatrice, délaissant l’étiquette d’extrême droite. Pourtant, le RN, comme LFI, puise sa force dans les divisions qu’il exacerbe et dans la peur qu’il instille. Le parti, à travers ses discours et ses actes, segmente les Français selon leur prétendue « pureté ». Le RN, tout comme Reconquête dans sa version plus extrême, a perverti l’idée de patriotisme. Il s’agit d’un patriotisme qui exclut, qui rejette, et qui pousse certains Français à remettre en question leur appartenance à la nation parce qu’ils ont une peau plus foncée ou des parents nés ailleurs.

Le parti compte également dans ses rangs des membres controversés. En novembre 2022, le député RN Grégoire de Fournas avait été accusé lors d’un débat à l’Assemblée nationale sur l’accueil des migrants de propos racistes après avoir crié « Qu’il retourne en Afrique » lorsque s’exprimait un député noir. Un autre exemple est celui de Marine Le Pen elle-même qui, en 2017, avait relancé une vieille controverse en affirmant que la France n’était « pas responsable » de la rafle du Vel d’Hiv en 1942, qui avait entraîné la déportation de plus de 12 000 personnes. On peut ajouter à cela la récupération politique du parti dans des affaires brûlantes. Lors de l’attaque de la crèche de Loupian en 2023, les parents d’un des enfants décédés avaient déclaré dans une lettre adressée aux médias refuser que le nom de leur enfant soit utilisé pour diviser les Français ou stigmatiser une communauté face à la récupération politique du RN.

Pour conclure:

Ce tour d’horizon des partis politiques n’a pas pour objectif de diviser. Cela prouve seulement que les politiques, qui passent leur temps à se brailler dessus dans l’hémicycle, ne sont peut-être pas au niveau. Censés nous rassembler, ils nous ont divisés. On ne sait plus aujourd’hui s’ils défendent réellement les intérêts de la France ou les leurs. Le constat est le suivant : 78 % des Français pensent qu’ils ne les représentent pas. Tous disent se battre pour les intérêts de la France et pourtant, tous semblent avoir oublié leurs devoirs. Tous parlent pour ne rien dire aujourd’hui, et peu savent parler quand il le faut. L’idée de les voir débattre sans se hurler dessus à l’Assemblée nationale est devenue utopique. On le voit désormais même lors des débats télévisés, où le respect est devenu une vertu bien rare. L’idée d’une France unifiée n’est peut-être plus également.

C’est pourtant dans la communion que la France a créé son histoire, que cela fût sur le champ de bataille ou dans ses révolutions. C’est dans la communion que la France a accueilli des moments historiques comme l’Exposition universelle de 1889 ou encore les Jeux olympiques l’été dernier. C’est dans la communion que les idées des Lumières se sont fait entendre et que les droits de l’Homme sont nés. Force est de constater qu’il n’y a plus de communion en France et que nos politiques en sont tous grandement responsables.

À gauche comme à droite, nos politiques, qu’ils se disent réformateurs ou conservateurs, ne semblent plus être que des sophistes usant du chant des sirènes. La France, ce vieux pays chargé d’Histoire, qui a traversé les révolutions, les guerres et les crises, se retrouve aujourd’hui otage d’un théâtre politique tragique. Avides de pouvoir, ils ont fait de l’intérêt personnel leur seule boussole, semant la discorde et nous persuadant que nous sommes ennemis les uns des autres. La France des idéaux et des Lumières se retrouve ainsi divisée, manipulée, oubliant avec son peuple qu’elle est plus grande que les ambitions de ces illusionnistes.

RELATED POSTS

View all

view all