Le niveau de tension au Moyen-Orient a de nouveau grimpé après l’envoi par l’Iran de plus de 200 missiles balistiques en direction d’Israël, ce mardi 1er octobre. Que peut-on attendre de cette nouvelle escalade ?
Récapitulatif
Ce sont les attentats du 7 octobre dernier qui ont relancé les tensions physiques entre Israël et Gaza.
Historiquement, les tensions commencent en 1948 lorsque Ben Gourrion, le Premier ministre israélien, déclare l’indépendance d’Israël. La création d’un État pour la communauté juive est à cette époque une priorité pour l’ONU après la Seconde Guerre mondiale et l’Holocauste. Israël décidera cependant de ne pas respecter les plans de l’ONU et de s’accaparer des territoires destinés aux Palestiniens. Ce non-respect des plans a créé chez les Palestiniens un sentiment d’injustice profond. Israël dut quant à elle faire face à des guerres et des tensions avec les pays arabes voisins qui ne reconnaissaient pas sa souveraineté. Les pays arabes ne sont cependant à l’époque que très peu concernés par la question palestinienne. Israël dut faire face à plusieurs assauts des pays arabes tels que la guerre de Kippour en 1973, menée par la Syrie et l’Égypte. Les deux pays profitèrent de la fête de Kippour pour prendre Israël par surprise et envahir le pays. Israël remporta finalement cette guerre comme toutes les autres, notamment grâce au soutien des États-Unis. Un soutien qui entraînera d’ailleurs les pays arabes à provoquer la fin des Trente Glorieuses et à augmenter le prix du pétrole. Le but de cette manœuvre était de faire comprendre aux États-Unis qu’ils devaient limiter leur soutien à Israël dans le but d’isoler encore plus le pays.
Dans le même temps, les Palestiniens se rendaient à l’évidence : ils ne pourraient se rendre justice qu’eux-mêmes. Or, lorsqu’un peuple subit une injustice ou se sent victime de celle-ci, il élève malgré lui des personnes aux idées violentes. Ce fut le cas en Amérique lorsque le Ku Klux Klan profita du sentiment d’injustice régnant dans le sud du pays à la suite de la guerre de Sécession pour émerger, ou encore en Allemagne avec le nazisme suite au traité de Versailles. L’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) est créée en 1964 par Yasser Arafat. Cette dernière avait pour objectif de détruire Israël et d’inspirer la terreur dans le monde afin d’attirer l’attention sur la question palestinienne. Le groupe terroriste se fit connaître en organisant des attentats à l’encontre des bases militaires israéliennes dans un premier temps. C’est en 1972 que le monde comprit à quel point cette organisation terroriste était une menace. En 1972, lors des Jeux Olympiques de Munich, l’OLP prit en otage dans leur hôtel du village olympique les athlètes israéliens. Deux otages perdirent la vie ce jour-là. L’OLP, maintenant connue de tous, continua des actions similaires jusqu’à la fin des années 1990.
Bill Clinton, président des États-Unis de 1993 à 2001, parvint à réunir l’OLP et Arafat autour d’une table avec le Premier ministre israélien de l’époque, Yitzhak Rabin, afin d’apaiser les tensions. En 1993 et 1995, les deux accords d’Oslo sont signés. Israël rendra des terres à la Palestine, comme la bande de Gaza, et l’OLP reconnaîtra l’indépendance d’Israël et renoncera à ses actes violents. Comme un symbole, Arafat et Rabin recevront ensemble le prix Nobel de la paix en 1994. Toutefois, ces traités ne feront pas l’unanimité au Moyen-Orient, où des groupes comme le Hamas s’opposeront fermement à ces accords, tout comme l’extrême droite israélienne. Yitzhak Rabin sera assassiné par un extrémiste israélien suite à ces accords. L’OLP d’Arafat verra quant à elle le Hamas remporter les élections de 2004 et confisquer le pouvoir dans la bande de Gaza. En Israël, la droite se fera entendre dès 1999 avec la première élection de Benyamin Netanyahou. Ce dernier reviendra au pouvoir en 2009 jusqu’en 2021 et est aujourd’hui à nouveau le Premier ministre d’Israël.
Le Hamas, dès son arrivée au pouvoir, attaqua Israël en lançant des missiles en 2004. Dans le même temps, la politique d’Israël vis-à-vis des Palestiniens n’était pas toujours correcte, notamment lorsque ces derniers furent chassés de Jérusalem, délocalisés et forcés de vivre dans des camps de réfugiés. Les arrestations sans motif de certains Palestiniens renforcèrent le sentiment d’injustice et d’hostilité des Palestiniens à l’encontre d’Israël. Le Hamas profita de cette tension pour attiser les foules et rallier des membres à sa cause. Le 7 octobre 2023, le Hamas frappa Israël lors du pogrom le plus violent de son histoire depuis la Shoah. On estime que depuis le début du conflit, le Hamas aurait pris en otage 116 personnes, dont 43 seraient décédées selon les autorités israéliennes. Israël n’a depuis cessé les bombardements à Gaza, tuant des milliers de civils.
Le conflit israélo-palestinien, marqué par une escalade de violence et de rétorsions mutuelles, semble aujourd’hui pris dans un engrenage sans fin. Chaque attaque renforce la haine de l’autre camp et radicalise un peu plus les positions. Face à cette dynamique destructrice, il est difficile d’entrevoir une solution ou même un cessez-le-feu durable.
Pourquoi l’Iran est-il aujourd’hui impliqué dans le conflit ?
Ce n’est pas la première fois que l’Iran attaque directement Israël. Le 13 avril dernier déjà, plus de 300 projectiles — drones, missiles de croisière et missiles balistiques — avaient été tirés depuis l’Iran, selon l’armée israélienne. L’opération s’était soldée par un échec tactique. La plupart des munitions (« 99 % ») ayant été interceptées en dehors de l’espace aérien israélien.
L’Iran avait déclaré que cette attaque était une réponse à l’assassinat du général iranien Zahedi dans un consulat iranien à Damas suite à une frappe aérienne israélienne. Le plus haut gradé de l’armée iranienne, Mohammed Hossein Baqeri, s’était exprimé pour expliciter une nouvelle doctrine : « Une nouvelle équation a été établie avec cette opération : si le régime sioniste attaque, il sera contre-attaqué depuis l’Iran. »
L’Iran a donc, ce mardi 1er octobre, de nouveau attaqué Israël. Cette attaque a pour cause l’élimination d’Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah, et du commandant adjoint du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI), Abbas Nilforoushan, dans des frappes de l’aviation israélienne à Beyrouth. Le soutien dont bénéficie le Hezbollah par Téhéran est aujourd’hui connu de tous. L’Iran fournit notamment un soutien militaire mais également politique au groupe terroriste. Ce soutien fait du Hezbollah le groupe terroriste le plus influent au monde, ce dernier étant également un parti politique au Liban. Ce soutien de l’Iran s’explique par le fait que, comme le Hezbollah, le régime iranien est majoritairement chiite. Téhéran a vu dans l’élimination des leaders du Hezbollah une menace directe d’Israël. L’Iran condamnait également l’invasion du sud du Liban par Israël.
La majorité des missiles envoyés par l’Iran furent néanmoins interceptés par Israël et ses alliés comme les États-Unis et la France. Dans le même temps, le Hamas a revendiqué un attentat à Tel Aviv dans la même nuit, causant la mort de 7 personnes.
À quoi devons-nous nous attendre désormais ?
Benjamin Netanyahu a affirmé après cette attaque que l’Iran « en paiera le prix ». Le président iranien, Massoud Pezeshkian, a déclaré ce mercredi que l’Iran « ne cherchait pas la guerre », tout en promettant « une réponse plus forte » en cas de représailles israéliennes. Israël a continué aujourd’hui son bombardement du Liban, tuant 46 personnes et en blessant 85, selon le ministère libanais de la Santé.
Cette attaque de l’Iran plonge aujourd’hui l’OTAN dans un dilemme important. Il est difficile d’imaginer l’Iran subir des représailles importantes de la part des États-Unis et de ses alliés. Les États-Unis sont opposés à l’Iran depuis de longues années maintenant. Alliés au gouvernement irakien jusqu’en 2018 pour détruire l’État islamique, les deux nations se sont vite opposées après leur victoire. En 2018, Washington s’était retiré unilatéralement de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien et avait rétabli ses sanctions contre l’Iran. Téhéran, pour sa part, avait accru son influence en Irak, notamment par le biais de milices chiites soutenues par les Gardiens de la Révolution islamique. En juin 2019, l’Iran avait abattu un drone américain au-dessus du détroit d’Ormuz, renforçant ainsi les tensions entre les deux pays.
L’Iran est également un allié étroit de la Russie et de la Chine, deux nations radicalement opposées aux États-Unis. Une intervention militaire en Iran entraînerait un jeu des alliances qui pourrait conduire à un affrontement total. Les États-Unis sont conscients du risque et devraient, tout comme les membres de l’OTAN, ne pas s’aventurer sur ce terrain. De plus, les États-Unis ont perdu une partie de leur crédibilité lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ne pouvant soutenir l’Ukraine que par l’apport d’argent et d’armes. Cette perte de crédibilité aurait d’ailleurs renforcé l’ambition de la Chine d’envahir Taïwan face à la faible marge de manœuvre dont disposent les États-Unis.
Joe Biden s’est par ailleurs opposé à des frappes israéliennes contre les installations nucléaires iraniennes et a ajouté que les membres du G7 sont « d’accord tous les sept sur le fait que les Israéliens ont le droit de riposter, mais qu’ils doivent répondre de manière proportionnée ».
Bien que le monde ait vu des conflits mondiaux s’enclencher pour moins que cela, le risque ici est très faible. Les enjeux économiques sont trop importants et un conflit mondial poserait la question de l’utilisation de l’arsenal nucléaire, chose que le monde veut et doit éviter à tout prix.
Pour conclure :
Ce conflit israélo-palestinien est à bien des égards extrêmement complexe. On ne peut que condamner les actes terroristes du Hamas, mais on ne peut également pas détourner le regard face à la situation palestinienne. Ce conflit ne pourra se terminer qu’avec deux perdants. Il y a aujourd’hui des deux côtés des civils qui sont victimes de ce conflit depuis trop longtemps. Des enfants sont élevés dans la haine de l’autre, des familles sont déchirées par cette guerre.
Reconnaître également qu’il y a des torts des deux côtés ne fait pas de nous des islamophobes ou des antisémites. Il faut parfois savoir se ranger du côté de l’humanité pour prendre du recul sur une situation. Dire que le gouvernement israélien commet et a commis des injustices ne veut pas dire que l’on conteste la légitimité d’Israël ou que l’on s’oppose à la communauté juive. De l’autre côté, reconnaître que le Hamas est une organisation terroriste est légitime mais cela ne veut pas dire que l’on détourne notre attention de la cause palestinienne. Les communautés juive, musulmane et chrétienne ont beaucoup apporté au monde de par leurs sagesses. Aujourd’hui, des personnes comme les terroristes se cachent derrière ces dernières pour justifier leurs actes horribles.
Il est facile également aujourd’hui de tomber dans les amalgames et dans la récupération politique des différents partis, comme en France notamment. Michelle Obama avait dit : « Il est aisé de s’accrocher à ses stéréotypes et ses idées préconçues, on se sent ainsi rassuré dans sa propre ignorance. » Ne pas être ignorant, c’est ne pas voir une personne juive, musulmane ou chrétienne comme son ennemie sous prétexte qu’elle n’a pas le même culte que nous. Ne pas être ignorant, c’est ne pas penser que la communauté musulmane est anti-juive et en adéquation avec les terroristes. Ne pas être ignorant, c’est également ne pas penser que la communauté juive est anti-musulmane et indifférente à la mort de civils palestiniens.
Évidemment, il est peut-être naïf voire trop optimiste de penser cela aujourd’hui. Penser cela ne nous apporte pas forcément plus de solutions. Peut-être que les solutions n’apparaissent en temps de guerre que lorsque l’on est guidé par la violence. Mais il est peut-être également bon d’être naïf en ces temps-là. Cela peut nous donner de l’espoir, qui est généralement le dernier à mourir. Albert Camus avait dit : « Lorsque le fascisme se rend au chevet de la démocratie, c’est rarement pour prendre de ses nouvelles », mais cela vaut aussi pour les amalgames. Quand ces derniers se rendent au chevet de l’humanité, c’est rarement pour prendre de ses nouvelles. À nous d’être à son chevet.
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