L'Observateur Moderne

Israel-Palestine: Quelle issue?

December 16, 2024 | by Lysandre Chaabi

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Alors que le conflit fait rage depuis maintenant plus d’un an, les violences ne cessent pas. Selon les autorités israéliennes, le Hamas détient encore actuellement 96 otages dans la bande de Gaza, tandis qu’Israël continue ses bombardements répétés à l’encontre des Palestiniens. La question se pose donc aujourd’hui : quelle sera l’issue de ce conflit ?

Les positions actuelles :

Du côté israélien :

Benjamin Netanyahu n’a plus le choix : il doit écraser Gaza. Ce combat semble avoir pris des tournures personnelles pour l’actuel Premier ministre israélien. Ce dernier risque aujourd’hui sa carrière politique en cas d’issue défavorable pour Israël. En effet, la cote de popularité du Premier ministre était en baisse en Israël avant les attaques du 7 octobre, et ce dernier devait faire face aux manifestations de masse hebdomadaires contre les réformes judiciaires prévues, qui avaient polarisé le pays pendant des mois. De plus, beaucoup de ses détracteurs en Israël, et même certains de ses partisans, l’accusent d’être responsable de ne pas avoir su protéger les citoyens israéliens lors de l’attaque du 7 octobre. Pour celui qui avait déclaré souhaiter que l’on se souvienne de lui comme du protecteur d’Israël, et qui avait basé sa carrière politique sur sa faculté à défendre le pays, le coup est rude. M. Netanyahu a également résisté à d’énormes pressions internes pour qu’il accepte un cessez-le-feu afin d’obtenir la libération d’une centaine d’otages toujours détenus par le Hamas. Malgré tout cela, Netanyahu a toujours nié ces accusations.

Netanyahu est également désormais visé par un mandat d’arrêt international et est interdit d’accès dans plusieurs pays, dont l’Italie de Giorgia Meloni. Cependant, le Premier ministre israélien pourra compter sur le soutien du président américain élu Donald Trump, qui n’a jamais caché son appui à Israël dans ce conflit. Ce dernier avait d’ailleurs déclaré que le Hamas ferait mieux de rendre les otages israéliens avant que Trump n’arrive au bureau ovale, auquel cas ils en paieraient le prix très fort. La question est maintenant de savoir si les États-Unis seront prêts à envoyer des troupes dans Gaza ou non.

Israël se doit également de sortir victorieux de ce conflit pour des raisons géopolitiques. Israël a été la cible de plusieurs conflits depuis sa création en 1948, face aux attaques répétées de ses voisins. Israël est également régulièrement la cible d’attaques terroristes sur son sol, dont la plus meurtrière fut évidemment celle du 7 octobre 2023. Israël a pour but de se faire respecter dans la région afin d’espérer voir ces attaques cesser. Israël, face à sa mauvaise réputation internationale, n’a également plus rien à perdre et n’aura certainement pas peur d’utiliser toutes les forces en son pouvoir pour arriver à ses fins.

Du côté du Hamas :

Pour le Hamas, la situation est aujourd’hui critique. Le groupe terroriste se bat contre un État et bénéficie donc de beaucoup moins de moyens. Le Hamas perd également des soutiens clés, comme celui de l’Iran, qui ne voudra certainement pas augmenter les tensions avec les États-Unis. Les relations entre l’Iran et Donald Trump sont très fragiles et instables. Trump n’avait, en 2018 pour preuve, pas hésité à se retirer de l’Accord sur le nucléaire iranien (JCPOA), qu’il considérait comme inefficace, afin d’accroître des sanctions économiques strictes contre le pays.

Le Hezbollah est également en mauvaise posture au Liban face à Israël. Le Hamas perd également ses leaders, comme Ismail Haniyeh, assassiné par Israël en juillet 2024, ou encore Yahya Sinwar, également assassiné par Israël en août 2024. Les deux hommes exerçaient une influence importante dans l’organisation terroriste et étaient les cerveaux de l’attaque du 7 octobre.

Quelle issue?

Des négociations pour un simple cessez-le-feu sont aujourd’hui utopiques. Concernant le Hamas, on ne peut négocier avec un groupe terroriste. Les terroristes n’ont rien à gagner à s’asseoir à la table des négociations et se soucient en réalité peu du sort des Palestiniens. D’un point de vue stratégique, le traitement du peuple palestinien joue pour la cause du Hamas, car une partie du monde soutient le peuple palestinien , et le Hamas n’a aucun intérêt à ce que la souffrance palestinienne cesse.

De plus, Israël n’a pas grand chose à gagner à entamer des négociations également. Le pays est accusé d’avoir violé les lois de la guerre depuis le 7 octobre 2023 et semble déterminé à en finir pour de bon. Le pays ne devrait également pas arrêter de commettre les crimes de guerre dont il est accusé à Gaza, car si le Hamas n’a pas à s’y soumettre, pourquoi Israël devrait-il le faire ? L’égo des deux acteurs majeurs de ce conflit ne devrait donc pas permettre des négociations et rend le futur du triste peuple palestinien encore plus flou.

La seule issue imaginable aujourd’hui, c’est la prise de Gaza par Israël, et ce, coûte que coûte. Israël est aujourd’hui un adversaire beaucoup trop puissant pour le Hamas, et la prise de Gaza serait pour Israël un moyen de se mettre en sécurité. Toutefois, une question se pose : quel sera le sort réservé au peuple palestinien ? Assisterons-nous à une nouvelle Nakba, une exode forcée pour les Palestiniens ? Pouvons-nous espérer la création d’un État palestinien ? Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a récemment réaffirmé son opposition à la création d’un État palestinien souverain, affirmant qu’Israël devait « s’assurer que Gaza ne constituera plus une menace », une position qui, selon lui, « contredit la demande de souveraineté palestinienne ».

De plus, des ministres israéliens, tels que Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, ont appelé à « l’émigration » des Palestiniens de Gaza et au rétablissement de colonies sur ce territoire. Ces propos ont été condamnés par la France et le Royaume-Uni, qui affirment que ce genre de déclarations n’a pour but que d’attiser les tensions.

Israel grand vainqueur?

D’un point de vue militaire, la victoire d’Israël devrait être indéniable. Toutefois, Israël sortira de ce conflit, quelle qu’en soit l’issue, amoindri. Israël a perdu la guerre d’un point de vue diplomatique. Le pays souffre d’une mauvaise réputation à travers le monde, car beaucoup trouvent les représailles d’Israël exagérées voire cruelles. On ne peut aujourd’hui nier que les actions du gouvernement de Nétanyahou à Gaza sont brutales et horrifiques, notamment lorsque des enfants innocents sont la cible de ces représailles.

On estime à 11 355 le nombre d’enfants victimes des atrocités de la guerre, dont 710 nourrissons de moins d’un an. On estimait également le nombre total de victimes à Gaza, au 25 août 2024, à plus de 40 405 Palestiniens tués, dont 56 % à 60 % sont des femmes et des enfants. Par la violence de ses actions, Israël a perdu son image de martyr dans le monde et est désormais vu par beaucoup comme un oppresseur.

Toutefois, il est important de rappeler que ce conflit n’a pas pour seul coupable Israël. Les atrocités dont sont victimes les Palestiniens sont également causées par le Hamas, qui souhaite que le peuple devienne un martyr. C’est aussi notre faute à nous d’avoir laissé ce débat s’installer chez nous. Aujourd’hui, ce qui n’était qu’un débat entre pro-Palestiniens et pro-Israéliens en France est devenu un débat pro-musulman et pro-juif. La société n’arrive pas à trouver un juste milieu et à comprendre que les torts sont partagés. Cela fait d’ailleurs bien l’affaire des extrêmes, qui en profitent, comme LFI ou encore le RN.

Ce conflit aura réussi à rendre utopique, voire stupide, l’idée d’imaginer des peuples de croyances différentes cohabiter ensemble. L’époque de Tolède, en Espagne, où chrétiens, musulmans et juifs cohabitaient durant le Moyen Âge, relève du conte de fées. L’époque où Si Kaddour Benghabrit, fondateur de la Grande Mosquée de Paris, donnait de faux certificats d’identité musulmane aux juifs et les cachait dans sa mosquée est aujourd’hui une simple exception. Enfin, l’époque où Menahem Froman, un rabbin israélien orthodoxe et ancien colon en Cisjordanie, promouvait des valeurs de paix et de partage avec des leaders palestiniens, y compris Yasser Arafat et des membres du Hamas, cherchant à prôner la réconciliation à travers les valeurs spirituelles communes du judaïsme et de l’islam, relève du miracle.

De plus, les perdants de ce conflit sont les civils des deux camps. Les Palestiniens sont les victimes d’atrocités par le gouvernement israélien depuis bien trop longtemps, et les Israéliens subissent également cette guerre, étant la cible numéro 1 du Hamas. Les deux camps sont aussi victimes d’une haine généralisée. Ce conflit a également eu pour conséquence de faire monter l’antisémitisme et l’islamophobie dans le monde. Les propagandes des deux camps ont permis à nos sociétés de justifier ce type de comportements. Enfin, les deux camps semblent devoir se résigner face aux décisions de leurs leaders respectifs, qui enterrent les minces espoirs que l’on avait de voir une cohabitation s’instaurer dans la région.

Ce conflit tragique, qui a plongé deux peuples dans la souffrance et la division, pose une question fondamentale : comment bâtir un avenir où la coexistence serait possible, dans une région où l’histoire semble condamner chaque génération à revivre les mêmes douleurs ? Au-delà des enjeux locaux et de nos croyances personelles , cette guerre interroge aussi la communauté internationale sur sa capacité à dépasser les discours de haine et à proposer des solutions durables pour éviter que de telles tragédies ne se répètent ailleurs. Seulement, pouvons et le voulons nous?


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