L'Observateur Moderne

Trump le conquérant

février 3, 2025 | by Lysandre Chaabi

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Fraîchement réélu président des États-Unis, Donald Trump multiplie les déclarations controversées. Aux côtés de son allié de premier plan, Elon Musk, il évoque ouvertement l’idée d’une possible annexion des pays voisins. Une simple provocation ou une stratégie calculée ? L’incertitude demeure.

De grandes ambitions

Les ambitions du duo le plus en vue de la planète se sont récemment dirigées vers leurs voisins du nord, le Canada. Le nouveau président américain a récemment mis en valeur l’apport positif que représenterait une annexion du Canada par les États-Unis. Donald Trump affirme que l’abolition des frontières entre ces deux pays donnerait dans un premier temps une meilleure couverture sociale aux Canadiens, mais également un plus grand pouvoir d’achat. Le principal argument du nouveau président américain est cependant lié aux dépenses militaires des États-Unis. Une annexion du Canada permettrait aux États-Unis de limiter leurs dépenses en matière de protection des frontières. Donald Trump affirme que les Canadiens dépendent de cette défense sans la payer et exige une compensation financière.

Le bras droit du président, Elon Musk, s’était quant à lui récemment attaqué au Premier ministre démissionnaire canadien Justin Trudeau. Justin Trudeau avait répondu aux provocations du président américain, qui avait affirmé que beaucoup de Canadiens voulaient devenir le 51ᵉ État des États-Unis, en déclarant : « Il n’y a pas la moindre chance que le Canada fasse partie des États-Unis. Les travailleurs et les communautés de nos deux pays bénéficient du fait que nous sommes l’un pour l’autre le plus grand partenaire commercial et le plus grand partenaire en matière de sécurité. »

Elon Musk avait alors répondu sur X : « Ma fille, tu n’es plus gouverneur du Canada, alors ce que tu dis n’a pas d’importance. » Un tweet qui avait, comme souvent avec le milliardaire américain, fait polémique.

Donald Trump s’intéresse également de très près au Groenland, faisant pourtant partie du Danemark. Donald Trump voit en le Groenland un territoire extrêmement intéressant d’un point de vue économique. Le Groenland est riche en ressources naturelles, notamment en minéraux rares, pétrole et gaz. Le contrôle de ces ressources réduirait ainsi considérablement la dépendance des États-Unis face à leur acquisition auprès d’autres pays.

Le contrôle du Groenland par les États-Unis permettrait également aux Américains de renforcer leur présence en Arctique. La fonte des glaces a permis la création de nouvelles routes maritimes reliant le continent américain à l’Europe, facilitant ainsi les relations commerciales entre les deux continents. Un Groenland américain offrirait aux États-Unis un accès direct à ces routes.

Les États-Unis renforceraient également leur présence militaire dans la région, eux qui possèdent déjà une base aérienne à Pituffik, dans le nord-ouest du Groenland. Ce n’est pas non plus la première fois que les États-Unis expriment un intérêt pour le Groenland. Les États-Unis avaient notamment déjà fait une offre au Danemark en 1946 sous Truman et en 2019, durant le premier mandat de Donald Trump.

Le dernier symbole de cette volonté d’expansionnisme des États-Unis vise le Mexique. Pour les mêmes raisons que le Canada, Donald Trump avait déclaré en décembre dernier que les États-Unis subventionnaient le Mexique sans contrepartie. Il avait déclaré : « Tout ce que je veux, c’est établir rapidement des conditions équitables. Nous ne devrions pas les subventionner. Si nous devons le faire, ils devraient simplement devenir un État. »

Trump a également pris la décision de renommer le golfe du Mexique en « Golfe Américain », ce qui avait également suscité de la controverse.

Des ambitions contestés:

Comme dit plus tôt, le Premier ministre démissionnaire canadien, Justin Trudeau, a vivement critiqué la volonté expansionniste américaine. Il n’est pas le seul à avoir dénoncé les propos de Donald Trump. La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a également critiqué les déclarations du président américain, les qualifiant de « menaces » portant atteinte à la relation bilatérale, avant d’ajouter que le Canada ne reculerait pas face à ces pressions.

Le chef de l’opposition canadienne a affirmé que le Canada ne pourrait jamais devenir le 51ᵉ État américain, soulignant que le pays reste le plus fidèle allié des États-Unis. Il a notamment évoqué la mémoire des centaines de Canadiens morts au service des États-Unis après les attaques du 11 septembre 2001.

Toutefois, un récent sondage de la firme Ipsos, réalisé du 9 au 13 janvier 2025, révèle que 43 % des Canadiens âgés de 18 à 34 ans seraient favorables à l’annexion du Canada aux États-Unis.

Du côté du Groenland, le Danemark, par la voix de sa Première ministre, Mette Frederiksen, a réaffirmé que le Groenland n’était pas à vendre et que son avenir serait décidé par les Groenlandais. Cette dernière a également eu une conversation téléphonique qualifiée de tendue avec Donald Trump il y a quelques jours. La Première ministre danoise s’est ensuite dite préoccupée par d’éventuelles sanctions économiques si le Danemark refusait de discuter de la vente du territoire.

Le Danemark peut néanmoins compter sur le soutien des pays européens face aux États-Unis. La porte-parole du gouvernement français, Sophie Primas, a dénoncé les déclarations de Trump, les qualifiant de « forme d’impérialisme ». La France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a rappelé que le Groenland faisait partie de l’Union européenne et que Paris n’hésiterait pas à répondre à un appel du Danemark, y compris en envisageant l’envoi de troupes pour défendre le territoire.

D’autres puissances européennes, telles que l’Allemagne et la Suède, ont également apporté leur soutien au Danemark. Le président du Conseil européen, Antonio Costa, a, lui aussi, mis son véto sur une potentielle annexion du Groenland, rappelant que l’Union européenne soutient fermement l’intégrité territoriale de ses États membres et ne tolérera aucune tentative de remise en cause de leurs frontières.

Le Mexique a également réagi aux menaces du gouvernement américain. Sa présidente, Claudia Sheinbaum, a réaffirmé la souveraineté nationale, déclarant : « Nous ne nous subordonnerons jamais. » Le Congrès mexicain a, de son côté, appelé à l’unité nationale face à ces déclarations.

Concernant la transformation du nom du golfe du Mexique en « Golfe Américain », la présidente mexicaine a ironisé en suggérant que le Mexique devrait renommer les États-Unis en « Amérique Mexicaine ».

Mais ces ambitions sont-elles réalisables?

Malgré les prétentions de Donald Trump, une annexion de ses pays voisins a très peu de chances de se concrétiser. Le Canada et le Mexique sont aujourd’hui deux puissances importantes du monde occidental et n’ont aucun intérêt à devenir des États vassaux des États-Unis. De plus, les populations locales sont, dans leur grande majorité, opposées à une éventuelle union avec les États-Unis.

Concernant le Groenland, la situation est un peu différente. En 2009, l’île s’est vue accorder une large autonomie, y compris le droit de déclarer son indépendance vis-à-vis du Danemark par le biais d’un référendum.

En 2019, les Danois comme les Groenlandais s’étaient opposés à une vente du Groenland aux États-Unis. À ce jour, les Groenlandais ne seraient cependant pas opposés à un référendum portant sur l’indépendance. Bien que vassal du Danemark, le Groenland n’entretient pas une relation très saine avec Copenhague. Les Groenlandais n’oublient pas les maltraitances infligées par le Danemark durant l’ère coloniale. Une majorité des habitants du Groenland est aujourd’hui favorable à l’indépendance de l’île. Néanmoins, beaucoup s’interrogent encore sur le timing d’une indépendance et les conséquences économiques que cela pourrait avoir sur le commerce local.

Toutefois bien que les Groenlandais se soient dits, en 2019, ouverts au renforcement de leurs relations commerciales avec les États-Unis, le Premier ministre groenlandais, Mute Egede, a rappelé que l’île n’était pas à vendre et que son avenir serait décidé par son peuple.

Alors Pourquoi Trump insiste-il?

Il ne faut pas oublier qu’un grand nombre des déclarations de Donald Trump ont été prononcées durant sa dernière campagne présidentielle. Trump a joué sur son extravagance, qui plaît tant aux Américains, pour remporter la course à la Maison-Blanche. Ses déclarations lui ont permis de convaincre son électorat qu’il était l’homme qui remettrait les États-Unis dans le droit chemin.

Ces propos, qu’il a maintenus même après son retour à la Maison-Blanche, sont également un moyen de montrer qu’il est de retour et qu’il n’a peur de rien. Sa rhétorique est simple : il veut démontrer que le monde rêve d’être américain et joue sur les voix minoritaires favorables à ses annexions pour se faire entendre. L’objectif à long terme est d’affirmer que les États-Unis ne reculeront devant aucune adversité, notamment face aux ambitions chinoises.

Toutefois, cette stratégie est risquée, car elle pourrait isoler les États-Unis. Le pays est en train de se mettre à dos certains de ses plus fidèles alliés, comme le Canada, la France, ainsi que le reste des pays de l’Union européenne. De plus, les États-Unis n’ont jamais fait l’unanimité sur la scène internationale, et avec cette approche, l’hostilité à leur encontre pourrait s’accentuer.

Cette stratégie se traduit également par les prises de position internationales d’Elon Musk. Ce dernier semble avoir pris goût à la politique et n’hésite plus à se prononcer sur les affaires d’autres pays, comme récemment au Royaume-Uni ou encore en Allemagne, où il a assisté à un meeting d’extrême droite de l’AfD. Le chancelier allemand, Olaf Scholz, a fermement condamné le soutien de Musk à l’AfD, qualifiant ses actions de « vraiment dégoûtantes » et nuisibles à la démocratie au sein de l’Union européenne.

Musk s’est également prononcé sur l’arrestation du propriétaire du réseau social Telegram en France, déclarant : « Je devrais peut-être restreindre mes voyages aux nations où la liberté d’expression est constitutionnellement protégée. »

Cette ingérence de Musk dans les affaires d’autres pays crisperait plusieurs gouvernements, notamment parmi les alliés des États-Unis.

Donald Trump ne cache donc pas ses ambitions expansionnistes, soutenu par son plus fidèle allié, Musk. Il cherche avant tout à montrer qu’il est de retour, et avec lui, la puissance des États-Unis.Toutefois, ses déclarations sur l’annexion de pays voisins ne sont pour l’heure que de la provocation. Il n’hésite également plus à s’immiscer dans les politiques de ses alliés, ce qui, à long terme, pourrait lui causer du tort. La question reste donc ouverte : Donald Trump et Elon Musk vont-ils se heurter aux limites du monde actuel ou parviendront-ils à les repousser ?

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